21 mars 2022
« Effet COVID » : qui sont ces Français qui partent se mettre au vert ?
L’exode urbain n’est pas le phénomène massif qu’a laissé penser sa large couverture médiatique depuis le premier confinement de 2020. C’est ce que nous apprennent les travaux menés par la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU), auxquels a collaboré leboncoin. Les premières conclusions de cette étude exploratoire démontrent, en effet, que les grands pôles urbains ont continué à concentrer l’écrasante majorité des flux de recherches immobilières. Elles révèlent toutefois que la pandémie de COVID-19 aurait renforcé des dynamiques préexistantes : l’extension des espaces péri-urbains et l’attractivité des territoires de villégiature. Qui sont ces Français qui se mettent au vert et pourquoi s’éloignent-ils des grands pôles urbains ?
Une méga-périurbanisation et une littoralisation, plus qu’un exode urbain
75 % des Français utilisent leboncoin pour leur projet immobilier, un terrain idéal pour analyser les tendances et l’évolution du marché. C’est ainsi que les données de consultation des annonces de la plateforme ont été mises à disposition de l’équipe chargée de l’étude sur les mobilités résidentielles à l’ère (post-)COVID menée par le POPSU. Pour approfondir l’analyse, les chercheurs ont pu solliciter la base de données leboncoin afin d’interroger les utilisateurs sur leurs projets immobiliers. Les premiers résultats cassent le mythe, très médiatisé depuis le premier confinement, d’un exode urbain massif.
Un renforcement de tendances pré-existantes
Dans son étude, le POPSU a représenté les flux entre les lieux où se situent les internautes et les lieux où se situent les annonces qu’ils consultent. Avec les cartes ci-dessus, nous observons que les pôles autour de Paris, Marseille ou Lyon, Bordeaux ou Nantes captent encore et toujours l’écrasante majorité des flux de recherches.
Au-delà de ce phénomène classique, cette analyse révèle l’existence d’un ensemble de petits flux sortants des grands pôles urbains en direction des territoires péri-urbains moins denses ou ruraux. C’est ainsi que l’étude du POPSU met en lumière le renforcement de trois processus préexistants à la pandémie de COVID-19.
1) Le « desserrement urbain » s’accélère avec une hausse de 20 % des déplacements depuis les grandes villes vers les communes de petites et grandes couronnes.
2) Les communes de moins de 50 000 habitants – comme Arles, Beauvais ou Cergy – tirent également leur épingle du jeu avec un solde migratoire qui a triplé entre mars 2019 et mars 2020.
3) Enfin, les communes rurales, attractives pour leur climat, leur proximité avec le littoral, leur accessibilité ou leur économie, ont enregistré une hausse de 34 % du nombre de foyers en provenance de zones urbaines.
Ce sont ces dynamiques qui ont pu être perçues, à tort, comme un exode urbain. En effet, elles concernent plutôt les communes urbaines petites ou moyennes que les territoires ruraux. Et lorsque les départs se font vers la campagne, ce sont les zones littorales qui sont privilégiées.
Du cadre dynamique en télétravail au retraité en villégiature, des profils très hétérogènes…
Ces différents mouvements migratoires induisent des réalités et des quotidiens différents. Si le choix de communes de petites ou grandes couronnes n’implique pas ou peu de changements de vie, un éloignement des grands pôles urbains et donc des bassins d’emploi n’est possible que sous certaines conditions.
Les salariés du tertiaire en télétravail ou bi-résidentiels
Les temps de transport doivent être supportables au quotidien pour bénéficier réellement des avantages de se mettre au vert. Or, les espaces concernés par la méga-périurbanisation ne sont pas forcément bien pourvus en matière de transports en commun. De plus, la voiture n’est pas envisageable dans tous les cas (embouteillages, capacités de parking sur le lieu de travail, etc.). Ainsi, la méga-périurbanisation n’est envisageable que si l’emploi se trouve lui-même éloigné des grandes villes ou si le salarié peut bénéficier du télétravail. Rappelons toutefois que le télétravail ne peut être appliqué à tous les corps de métiers et ne concerne que 20 à 30% des employés. Dernière option : certains foyers possèdent une résidence principale dans un grand pôle urbain et une résidence secondaire au vert.
Les reconversions professionnelles
La « grande démission » est une autre tendance très médiatisée à l’ère post-pandémie. Selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), le niveau de démission de CDI était en croissance de 19,5 % en juillet 2021 par rapport à l’année précédente. Les ruptures anticipées de CDD ont, quant à elles, augmenté de 26 %. Parmi ces démissionnaires, certains font le choix de se reconvertir. C’est parmi ce contingent que l’on peut trouver des foyers en transition rurale. Leur emménagement à la campagne s’accompagne d’un nouveau projet professionnel, généralement dans les secteurs du bien-être, de l’artisanat ou de la production agricole.
Des populations en quête d’un mode de vie alternatif
Certains ménages à la précarité plus ou moins choisie trouvent à la campagne des terrains propices à un mode de vie alternatif à prix bas. L’habitat peut y être léger ou mobile comme les tiny houses, camping-cars ou chalets. La présence d’une source d’eau potable et la possibilité de cultiver un potager permettent une certaine forme d’autonomie.
Des projets de villégiature pour la retraite
A l’approche de la retraite ou déjà retirés de la vie active, certains foyers sont en quête d’un lieu où passer agréablement leurs vieux jours. Ces populations privilégient toutefois les zones rurales dynamiques pour bénéficier de leurs équipements médicaux et pour entretenir leur vie sociale et culturelle. Ces ménages peuvent opter pour une bi-résidentialité pour les mêmes raisons.
Se mettre au vert : une même envie pour des motivations très diverses
Derrière ces envies se cachent diverses réalités. S’éloigner des grandes villes, ce sont des prix au m2 moins élevés, en locatif ou à l’achat. La méga-périurbanisation concerne donc aussi les foyers qui cherchent des domiciles plus grands et/ou moins chers. De plus, les mesures sanitaires ont favorisé l’épargne. Et puisque les taux d’intérêt des prêts sont au plus bas, ils sont nombreux à profiter de ce contexte pour acheter leur (nouvelle) résidence principale.
La conjoncture favorise également l’émergence de nouveaux modèles d’investissement dans l’immobilier rural. Certains y voient l’opportunité d’acquérir une résidence secondaire pour les vacances, le télétravail, la retraite… voire un refuge en cas de resserrement des contraintes sanitaires ou d’accélération du dérèglement climatique. D’autres se lancent dans la rente foncière à travers la location de courte ou longue durée, voire dans la création d’un gîte.
Que retenir ?
Finalement, il n’y a pas eu un « effet COVID » sur l’immobilier : il y en a eu plusieurs… S’il est erroné d’affirmer que la pandémie a entraîné un mouvement massif de population urbaines vers les campagnes, la crise sanitaire a toutefois renforcé et accéléré des dynamiques préexistantes. En effet, le phénomène de périurbanisation s’étend de plus en plus loin. Celui-ci est favorisé par la recherche de logements moins chers, plus grands, plus proches de la nature et un contexte facilitant l’accès à la propriété. A la marge, se trouve une part minoritaire de foyers qui ont acquis ou ont l’intention d’acquérir un bien en territoire rural. Ces acheteurs peuvent être des salariés ou indépendants en télétravail, des retraités ou futurs retraités, des personnes en reconversion professionnelle, des foyers précaires… voire des investisseurs fonciers.